vendredi 3 avril 2015

Edouard aux... doigts d'argent


La cryo avant le bistouri...

Il a bidouillé un S avec mon genou. Comme on déforme une frite de piscine. J'ai pensé à Lanvin: "Alors lui c'est un malade i'm'touche pas! » Bon rétablissement. Le film est une blague, mais la saillie fait mouche.
A cette différence qu'en sous-cutané, dans la vraie vie à moi, le croisé de droite a lâché sans rire et que par effet induit, cette articulation qualifiée de géniale de l'anatomie humaine, aurait pu sortir de son rail. Enfin c'est ce qu'on m'a dit.

C'est aussi ce que j'ai vérifié auprès de ce doc à la réputation de cuir qui persiste à me tordre le corps. Une renommée aussi dure qu'un ballon rond. D’ailleurs ici, entre les murs dépouillés de ce repaire strasbourgeois "du traumatisme du membre inférieur" comme disent les initiés, ce sont surtout les footeux qui traînent leurs mollets bandés défigurés par un stop manqué ou un virage mal négocié. "Des handballeurs et des skieurs aussi" a ajouté le chirurgien en me triturant maintenant le jumeau sain.
Je ne suis ni l'une des premiers ni des seconds. Tout juste de la troisième catégorie pour pratiquer la spatule alpine à peine une semaine l'an. Je vous laisse alors imaginer ma trogne quand la blouse blanche aux doigts d'argent a lâché les trois mois de mitard qui m'attendent avant de rechausser ne serait-ce qu'une petite basket, un minuscule étrier. Même servie avec le sourire "oh darling", l'info provoque la triple fracture du cortex. Tout ça pour ça putain!

Elle fait aussi dire les mots moches. Le microscopique bien fou qui va avec. Dès que je sors de ce cabinet aseptisé tout-bien-rangé-comme-sur-les-papiers—glacés, je le hurle sur le boulevard; le balance à la tête des écrasantes façades hausmaniennes.
Dire que c'est ici, dans la future capitale de l'Alca qui fait s'arracher leurs derniers cheveux blancs à trois patrons de régions que mes derniers espoirs de préserver jalousement entre mon tibia et mon fémur mon petit macchabée de lambeau, ont été pulvérisés par un quadra aux deux décennies de médecine. Dire que c’est ici, avenue des Vosges, que je meurs maintenant d’envie de taper le premier valide que je croiserai pour m’être esquinté la guibole sur un massif… vosgien. Que les liseurs de thème astral se manifestent ou se taisent à jamais.
Putain!  Ça rime avec chagrin en plus. Chagrin comme l'état dépité de ma mécanique inférieure. Lanvin me fait moins marrer tout d’un coup.

Comme je me suis engouffrée il y a quelques jours dans ce sarcophage hightech qui vous scanne la carcasse aux petits oignons et se moque de votre claustro, j’étais venue ici le coeur dopé à l’espoir. Un « rien de grave, pas besoin d’opérer » prononcé par un spécialiste de haut vol aurait suffi à mon bonheur de rien du tout.Vraiment. A la place, j’ai pris la seconde baffe: « On peut aussi laisser comme ça, certains le font mais c’est très  arthrogène comme état. Et quand l’os est attaqué, c’est autrement plus grave ». Sans issue. Même pas un joker à appeler pour calmer mon coeur soudain de (Jean)Pierre. Un ami qui vous voudrait du bien…
Parlons-en de celui-là. 

À mes apprentis « médecins-merlin » d'en prendre pour le grade qu'ils n'ont pas. Y allant tous de leurs balivernes optimistes depuis des semaines : "T'as vu comment tu marches! Jamais t'as un ligament croisé qu'a lâché toi!" 
Nan. Jamais. 
Je fais juste un S avec ma jambe.
Et dans 15 jours, Edouard m'ouvre le genou.
SgS.

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